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Paris-Brest, un roman gigogne

Par jean - 23/10/2009

Paris-Brest : un roman gigogne

Paris-Brest peut évoquer le nom d’une pâtisserie à la douceur vaguement écœurante et celui d’une course cycliste réputée. Mais ici se cache l’itinéraire tortueux qui mène de la douceur étouffante du cocon familial à la haine, dans l’atmosphère lourde des rancœurs tenaces. « Paris-Brest » est un roman gigogne où plusieurs histoires s’imbriquent comme elles peuvent et prennent peu à peu cohérence. Ecrire c’est d’abord se souvenir, pourrait dire le narrateur, qui a « noirci cent soixante-quinze pages sur (sa) famille entière » à son arrivée à Paris.

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Tanguy Viel
Collection personnelle

Au cœur de cette incursion dans l’opacité des relations familiales, il y a la fuite du narrateur de Brest vers Paris, puis son retour de Paris vers Brest, trois ans plus tard, pour affronter ce qu’il croit être son destin, avec dans sa valise le précieux manuscrit de ce qu’il nomme son « roman familial ».

Le narrateur, un jeune homme qui a des comptes à régler avec son enfance et son adolescence, mène pourtant une existence banale, ça c’est pour le décor extérieur, car à l’intérieur ses pensées se bousculent et se perdent dans ses labyrinthes intimes.

C’est un roman terriblement humain, qui serait proprement terrifiant sans la pointe d’humour subtilement distillée par Tanguy Viel. La famille est ici le carrefour de toutes les tensions. Peu à peu la vérité, loin d’apparaître avec évidence, se délite, se dérobe, se refuse.

Tanguy Viel mêle habilement plusieurs époques, multiplie les détours, crée du suspens. Les sentiments et les souvenirs surgissent comme d’une boîte de Pandore. Il y a de la jubilation dans l’air, l’impression de pénétrer des secrets, celui de la grand-mère devenue riche à la fin de sa vie, ceux du père escroc en col blanc « harassé par tant de renoncement », du fils Kermeur l’ami de « mauvaise fréquentation » périodiquement retrouvé, de la mère envahissante et atteinte de crises de spasmophilie.

Le narrateur n’est pas en reste : on apprend au détour d’un passage ses inventions et mensonges, car « (il a) bien fallu qu’(il) force les traits », qu’il « rende certains événements plus attrayants, disons, plus dramatiques qu’en réalité ». A un moment inattendu, en plein suspens, on se surprend même à réfléchir sur l’illusion autobiographique, car le passé du narrateur est dans ces pages continuellement recomposé, au gré de ses souvenirs et de ses sentiments du moment.

Tanguy Viel met également en évidence qu’un même événement peut avoir été vu différemment par ses différents protagonistes, qu’il n’y a pas de vérité absolue. Il donne également à voir la manière dont se construit une œuvre de fiction, à partir du réel et de l’imaginaire qui se mêlent pour former la matière romanesque.

« Paris-Brest » est bien un véritable roman gigogne où se cachent quantité de lectures qu’il appartient au lecteur de mettre au jour.

Marie-Josée Christien, membre du jury

Prix du Roman Carhaix - http://prixromancarhaix.free.fr